mercredi 20 janvier 2016

A la recherche de la littérature perdue

La littérature a pendant des siècles su incarner et sublimer son époque. Elle est aujourd’hui en capilotade, à la recherche de talents, d’un public, de querelles intestines, de salons, de mouvements. En un mot, d’identité. Dans le déferlement en pente déclinante des siècles, nous sommes passés de Chateaubriand à Amélie Nothomb, d’Eugénie Grandet, héroïne d’Honoré de Balzac, à Lauren Kline, personnage de Marc Lévy, du salon de Germaine de Staël au plateau télévisé de Laurent Ruquier, des funérailles nationales offertes à Victor Hugo à l’enterrement dans l’anonymat des derniers grands écrivains et, avec eux, du noble art littéraire.
Guillaume Musso versus Marc Lévy : l’opposition stérile et montée de toutes pièces entre deux écrivains populaires qu’en réalité rien n’oppose est la version moderne des clivages qui ont autrefois secoué la littérature. La querelle des Anciens et des Modernes divisa, autour de Boileau (auteur des Satires) et de Perrault (Contes de ma mère l’Oye), les tenants du retour systématique à l’Antiquité comme période indépassable aux partisans de la nouveauté et des thématiques contemporaines. A la même époque, l’Affaire des Sonnets opposa, par textes interposés, les thuriféraires et les contempteurs de Racine. Plus récemment, l’opposition entre Tolstoï et Dostoïevski fit écrire au génial Georges Steiner : « En demandant à un homme - ou à une femme - s'il préfère Tolstoï ou Dostoïevski, on peut connaître le secret de son cœur ». Les cœurs ne sont désormais enclins à se laisser irriguer par le sang des révoltes, mais par une eau de rose forcément tiède.

vendredi 1 janvier 2016

Du devoir de réarmer moralement les individus

Des droits, encore des droits, toujours des droits, rien que des droits. L’homme moderne sait que leur champ d’application est désormais infini. Le droit à bénéficier d’allocations diverses. Le droit au mariage pour tous et à l’adoption. Le droit opposable au logement. Le droit de jouir sans entraves. Le droit de souiller le drapeau national. Le droit de ne rien faire. A ne plus célébrer qu’eux, au détriment des devoirs, ravalés au rang de vilain mot de la langue de Molière, se crée un déséquilibre sapant les fondements de la société.

Au sortir de la seconde guerre mondiale, qui avait vu l’homme porter la barbarie à son acmé, la déclaration universelle des Droits de l’Homme, signée en grande pompe dans les couloirs du palais de Chaillot en 1948, symbolisait une avancée heureuse dans le combat intemporel pour la dignité humaine. Elle aura eu pour contrepartie l’entrée progressive dans une ère nouvelle pour l’homme qui allait également signifier son désarmement moral.  Celui-ci a eu pour corolaire l’assistanat généralisé, l’ignorance assumée, l’abandon des rôles sociaux (hommes-femmes, parents-enfants, citoyens…), la culture de l’excuse, le passage de l’immoralisme (et de la transgression plus ou moins tolérée) à l’amoralisme (absence de toute morale), le renversement des normes et des hiérarchies, le rejet de tout référent (nation, famille…) et par dessus tout la déresponsabilisation individuelle et collective.