dimanche 21 janvier 2024

Et si c'était le talent que la gauche reprochait à Sylvain Tesson ?

Six cents personnalités du monde de la culture,  pour la plupart inconnues, y compris pour les gens ayant un attrait pour les arts et la littérature, viennent de signer une tribune dans Libération - forcément - afin de s'opposer au parrainage du Printemps des poètes par Sylvain Tesson. Le tort de l'un des écrivains les plus talentueux de sa génération ? Banaliser l'extrême droite ! 

L'auteur serait donc un réactionnaire, catalogué dans un pamphlet récent aux côtés de deux autres infréquentables, Michel Houellebecq et Yann Moix. Il eut le tort de préfacer une réédition du Camp des Saints, ouvrage visionnaire du regretté Jean Raspail qui, en 1973, prophétisait le débarquement, sur les plages françaises, d'un million de miséreux. Il a beaucoup lu, des auteurs de droite et de gauche ; mais surtout, pour ses contempteurs, il cite Maurice Barrès. Il s'est même un jour rendu à La nouvelle librairie et a discouru sur Radio Courtoisie. N'en jetez plus, la coupe est pleine, débordant de que la gauche intolérante ne voudrait voir.

samedi 13 janvier 2024

Les raisins de la colère, et les vendanges à venir

Je fus initié à la littérature américaine en me plongeant dans les parchemins brumeux de la beat generation, puis dans ceux, plus sinueux encore, des auteurs que l’on qualifiera pudiquement de torturés. Question de tempérament probablement, ni Kerouac accompagné de sa horde, ni Salinger et ses épigones n’avaient réussi à me captiver. Il a fallu que j’emprunte d'autres chemins, qui ont la vie pour espérance et la mort pour risque, pour que je finisse par aimer les écrits parus par-delà l’Atlantique. L’Amérique est une affaire de conquêtes, vers l’ouest le plus souvent. Les raisins de la colère prouve que sa littérature obéit à la même règle.

Avec un style inspiré pour nommer ses romans – y a-t-il plus beau titre que celui-ci ? -, précis autant que poétique pour sublimer les paysages désolés et profondément réaliste pour camper les dialogues, John Steinbeck est, au sens noble du terme, un écrivain populiste. De gauche sans doute, bien qu'on doute qu'il se serait reconnu dans la « cancel culture » qui sert aujourd’hui de programme commun aux progressistes, dont la poussière n’est plus celle de l’effort, mais de la destruction des statues.

samedi 10 juin 2023

Venise, l'art de la vie, le défi de la mort

Je prenais jusqu'alors Venise pour la capitale du romantisme niais et du tourisme de masse, symbolisés par les gondoles, les baisers furtifs et les Aperol-Spritz, jusqu'à ce moment divin où je vis, à l'approche de la ville, les bâtisses affirmer leur caractère et devinai, derrière leurs contours se faisant précis, les canaux et leurs ponts, les cris et les soupirs, les oeuvres d'art et les siècles.

Car Venise est une plongée dans l'histoire. On imagine le monde qu'elle domina du temps de sa splendeur, avant que l'impitoyable ordre économique ne se trouvât d'autres capitales, moins à l'étroit : Anvers, Gênes, Amsterdam, Londres, et, bien plus tard, de l'autre côté de l'Atlantique, les Etats-Unis, avec New York et aujourd'hui la Silicon Valley. Grandeur et décadence d'un monde qui est passé des doges aux capitaines d'industrie de l'informatique, des palais aux open spaces avec tables de ping pong, des sequins aux monnaies virtuelles, des constructions palafittes aux clouds.

jeudi 17 novembre 2022

Faut-il boycotter la Coupe du Monde au Qatar ?

Les campagnes de boycott nous dictant une ligne de conduite au nom d'une morale établie par quelques esprits supérieurs ont d'ordinaire quelque chose d'insupportable. Devons-nous, pour autant, regarder et nous enthousiasmer pour la Coupe du Monde qui se déroulera au Qatar du 20 novembre au 18 décembre prochains ?

Le foutebôle, comme l'orthographiait élégamment Roger Nimier, sport que nombre d'entre nous a aimé d'autant plus que les élites le méprisaient ostensiblement - jusqu'à la Coupe du Monde 1998 et la victoire de la France "black-blanc-beur" - n'avait rien à voir avec le spectacle actuel : à la "glorieuse incertitude du sport" s'est désormais substituée la domination sans partage de mastodontes (Paris Saint-Germain, Manchester City, Bayern Munich...) ; au fair play, une morale à plusieurs vitesses au nom de laquelle il est de bon ton de faire la leçon à la Hongrie tout en fermant les yeux sur l'entrisme par la voie du sport des pétromonarchies ; au stade à l'ancienne et ouvert aux quatre vents, l'arène hypermoderne, connectée et portant le nom d'un sponsor.

lundi 4 juillet 2022

Sandro Botticelli et le thermomètre

Des activistes climatiques s'en sont pris, le week-end dernier, à un tableau majeur de la peinture italienne, Le printemps de Sandro Botticelli,  allégorie de l'identité européenne, car renvoyant tant aux mythes gréco-romains qu'à la religion chrétienne. Avant eux, d'autres engagés enragés, anglais ceux-là, avaient multiplié les attaques ciblées contre ces morceaux d'humanité que sont les oeuvres d'art, en prenant pour cible La Charrette de foin de John Constable ou encore une copie de La Cène. Dernièrement, en France, un militant s'attaqua, en... l'entartant, à la Joconde, d'ordinaire habituée au défilé incessant de touristes en short venus la photographier.

Ces défenseurs de la cause climatique rejouent, souvent sans en être conscients, le clivage ancestral et profondément lié à cet Occident que la plupart d'entre eux honnit entre culture et nature. En délicatesse avec la première, que leurs maîtres d'école ne leur ont pas transmis en raison d'un nivellement par le bas de l'enseignement et qu'ils n'ont pas fait l'effort de s'approprier, ils ont choisi la seconde : après tout, pour citer Goethe, "les hommes déprécient ce qu'ils ne peuvent comprendre". Désormais, non contents de le déprécier, ils l'effacent au nom de la cancel culture (qui, plus encore qu'une culture de l'effacement est un effacement de la culture). Et apposent le mot nature à leur cause qui témoigne davantage de leur dégénérescence que d'un amour pour les charmes bucoliques, les paysages intemporels et les paradis terrestres inexplorés.

vendredi 1 juillet 2022

La vie comme émerveillement

                                    Achevé d’être rédigé à Agrigente, non loin de la Vallée des Temples,
là où par la beauté même il n’existe plus aucun doute que la vie,
si courte et insensée soit-elle, mérite d’être vécue


L’époque est triste, triste par son manichéisme et son moralisme, triste en raison de la disparition des libertés et encore plus par son incapacité à donner à celles-ci un sens qui vaille, triste à force de voir la beauté s’exiler au profit de la laideur qu’exprime l’architecture moderne ou un rond-point surmonté d’une tentative d’œuvre d’art, triste de voir la nature asservie aux lubies de quelques fanatiques, triste à cause de l’exhibition sans honte de la bêtise et de la décadence, triste d’avoir désappris à vivre avec l’idée de la mort, triste comme nos passions dans une société dénuée de sacré, triste de ne plus faire de l’émerveillement permanent une des sources de la vie.

Comment s’étonner, dès lors, que la consommation d’antidépresseurs atteigne, dans nos pays, des records ? Comment ne pas s’inquiéter de n’avoir d’autres horizons que le fil d’actualité de nos réseaux sociaux et le défilement ininterrompu de « stories » identiques ? Comment interpréter le manque de goût pour cette noblesse dont se parent les belles choses et que drapent les beaux mots ?  

mercredi 21 juillet 2021

Le vaccin, en toute liberté

La liberté n'est pas un droit, c'est un devoir, et pas n'importe lequel : celui d'être à la hauteur des enjeux de la société dans laquelle nous vivons.


Me voilà donc vacciné, de mon plein gré.

 

Dans le hall de l'aéroport, qui tient lieu de centre de vaccination pour les habitants des alentours, je mis à profit les quinze minutes d'observation suivant l'injection pour parcourir le fil d'actualité de mes réseaux sociaux, à peine distrait par les manoeuvres d'un avion commercial et le passage plus agréable d'une fille aux jambes filiformes. J'y découvris, comme tous les jours depuis un an, des propos énervés et compulsifs, parfois de bon sens, souvent - loi du genre en de tels lieux virtuels - que j'estime saugrenus. Mais, après tout, je ne m'en suis jamais indigné : la liberté d'expression, c'est en accepter avant tout le principe pour les bretteurs qui pensent différemment sans les accuser de proférer des "fake news", d'être des extrémistes ou de se comporter tels des moutons.